Tribulations d’un Robot entiché

D’après une histoire de bestioles.

Tribulations d’un robot entiché, 2011, série indissociable de six dessins, encre et aquarelle sur papier, 20 × 20 cm.

Textes : Brendan – Illustrations : Lucy Nuzit

Je suis un système psychique extrêmement élaboré logé dans une carcasse de métal. Dans ma gangue de fer, j’observe le monde autour de moi. Je suis conçu à l’imitation de l’homme, mais je suis le produit de rouages et de mouvements qui toujours parviennent à l’équilibre. Certains
d’entre moi ont même besoin d’un psychanalyste. Je vis dans un monde à mon image. Des cages de verre et d’acier. Mais tiens. Ma tête se tourne. J’entends le bruit des talons d’une femme qui martèle le bitume. Je suis photographique. Je fixe – pourquoi ? – ces jambes. Voilà les questions
qui émergent. On m’avait pourtant mis en garde. Ne pose pas de question, tu perdrais en fonctionnalité. Cette loi se vérifie ; je reste photographique. Je la suis. J’abandonne mon poste. J’étais un gardien. Je suis un déserteur.

Elle allait trop vite. Elle a disparu. Aucune trace, nulle empreinte parmi les rares touffes d’herbe qui échappent à l’emprise du bitume.
Me voici seul au milieu des barres de béton et d’acier. Il est trop tard, je prends ma décision. Je transgresse. Le temps s’efface et je m’absorbe dans la contemplation de cette cité de sable en devenir. Aucun arbre pour tempérer la démesure. Et je regarde ces géants qui pleurent des
larmes de sang.
À l’évidence, j’ai trop longtemps courbé l’échine

Et enfin, perchée sur l’ultime ramille, je la vis, dernier corbeau, dernier oiseau. C’est toi qui me donnes les mots.
Ces mots qui font l’effet d’une balle perdue. Ces mots qui te rentrent dans la peau et n’en ressortent jamais. ils te font l’effet d’un saut dans le vide. Tu sais de quoi je veux parler ; peu importent les causes, désormais. C’eût pu être un wagon abandonné par les siens, ou une pierre de quai que l’on aurait descellée. C’est une envie de vent et d’herbe entre les dents.

Après toi longtemps j’ai couru. J’ai découvert la colline. J’ai franchi la ligne, j’ai gravi les talus. L’herbe était drue ; j’ai souffert pour la première fois. Il est tard il est bien tard la nuit tombe et j’ai comme un cœur qui se brise. J’ai pourtant essayé ; j’ai biaisé, j’ai ignoré. Je me retourne et ce que je vois encore de mon existence me laisse un goût amer. J’ignorais jusqu’alors
que les regrets ont un goût. Il me faut quitter cet endroit.

Le bruit crissant un mur de briques qui s’effondre sous des coups de masse. J’y perds la peau des doigts. D’estafilade en estafilade il va bien s’effondrer. L’air passe, enfin. Le fort intérieur se révèle être une foutue geôle. Je dois sortir. Je vois le jour, je suis presque aveuglé. C’était donc ça.
Les fourmis meurent d’être insensible aux flammes, je n’aurais pas dû l’oublier. Élan ; impulsion, élévation, évasion.

Je survole la foule et je vois enfin, car tu es lumière et grâce à toi j’ai détruit mon église. Nous ne la rebâtirons pas. Nous irons sans sacrement sur des chemins où règne l’inconnu. L’avenir a le goût de la mer.

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